http://youtu.be/l6gg1Eq9eHQ

Les mots du politique et de la contestation

Dans son film, Le temps des camarades, le cinéaste marocain Chrif Tribak, qui témoigne d’une grande attention aux faits de langues, met en scène de magnifiques scènes de joutes verbales entre étudiants marxistes et étudiants islamistes à l’Université de Fès dans les années 1980-1990. Pendant ces joutes, qu’on imagine sans peine durer des heures, ces jeunes étudiants s’affrontent dans ce qu’un linguiste arabisant un peu pédant appellerait « afsah al lugha », i.e. un arabe classique très relevé. Et de fait, le langage du politique dans le monde arabe s’est le plus souvent exprimé si ce n’est en arabe classique, du moins en arabe standard.



Bien sûr, les monarques ou les présidents savaient s’adresser au peuple, en temps utile, dans un savant mélange de « dialectal » et de fusha et les discussions politiques relevaient plutôt d’un arabe mixte ou médian. Mais si un domaine dans les médias semblaient résister à la progression irrésistible de l’arabe dialectal, c’est bien le journal et ses informations. On ne pouvait parler de choses sérieuses que dans des langues sérieuses.

Aujourd’hui, comme tout le monde, je ne résiste pas à aller voir « les manifs » du 20 février ou du 20 mars au Maroc, je surfe sur Facebook et autres sites pour suivre les infos en Tunisie, en Egypte, au Yémen, etc. Je constate, comme tout le monde, la circulation transfrontalière des slogans et surtout la pluralité linguistique de la contestation politique : le « dégage » tunisien qui semble faire maintenant partie du registre contestataire arabophone y compris chez les non-francophones (enfin un succès de la francophonie !!), le « kifaaya » égyptien reconverti en « barakaa » au Maroc, le « out » anglophone qui s’affiche au Maghreb, les slogans écrits en anglais, français, arabe standard, darija et tifinagh, les discussions sur internet pour ou contre le mouvement, les émissions politiques de télévisions qui se relâchent, il y a de quoi faire pour un linguiste. Que de combinaisons improbables qui auraient semblé inimaginables il y a encore quelques mois : femmes en noir salafistes avec des panneaux écrits en tifinagh, le rappeur Bigg dont la chanson al-khouf « la peur » a été en son temps un symbole de revendication de liberté qui chante aujourd’hui en darija pour défendre la monarchie, pendant que les rockeurs-rappeurs de Hoba Hoba spirit chantent en arabe littéraire pour défendre iradat ach-cha3ab, « la volonté du peuple » et appeler à la démocratie en s’inspirant d’un poème du célèbre poète tunisien Abou El Kacem Chebbi, dont les deux premiers vers ont été intégré à l’hymne national tunisien en Juin 1955 !

De cette cocotte bouillonnante, on retiendra que le plurilinguisme est un phénomène de société de plus en plus ancré, qu’il permet de multiplier les combinaisons et de ce fait décuple les possibilités d’expression dont l’humour. Alors sachons prêter une attention « sérieuse » aux mots des sociétés.
Catherine Miller, 11 avril 2011

Les mots du politique et de la contestation

Dans son film, Le temps des camarades, le cinéaste marocain Chrif Tribak, qui témoigne d’une grande attention aux faits de langues, met en scène de magnifiques scènes de joutes verbales entre étudiants marxistes et étudiants islamistes à l’Université de Fès dans les années 1980-1990. Pendant ces joutes, qu’on imagine sans peine durer des heures, ces jeunes étudiants s’affrontent dans ce qu’un linguiste arabisant un peu pédant appellerait « afsah al lugha », i.e. un arabe classique très relevé. Et de fait, le langage du politique dans le monde arabe s’est le plus souvent exprimé si ce n’est en arabe classique, du moins en arabe standard.



Bien sûr, les monarques ou les présidents savaient s’adresser au peuple, en temps utile, dans un savant mélange de « dialectal » et de fusha et les discussions politiques relevaient plutôt d’un arabe mixte ou médian. Mais si un domaine dans les médias semblaient résister à la progression irrésistible de l’arabe dialectal, c’est bien le journal et ses informations. On ne pouvait parler de choses sérieuses que dans des langues sérieuses.

Aujourd’hui, comme tout le monde, je ne résiste pas à aller voir « les manifs » du 20 février ou du 20 mars au Maroc, je surfe sur Facebook et autres sites pour suivre les infos en Tunisie, en Egypte, au Yémen, etc. Je constate, comme tout le monde, la circulation transfrontalière des slogans et surtout la pluralité linguistique de la contestation politique : le « dégage » tunisien qui semble faire maintenant partie du registre contestataire arabophone y compris chez les non-francophones (enfin un succès de la francophonie !!), le « kifaaya » égyptien reconverti en « barakaa » au Maroc, le « out » anglophone qui s’affiche au Maghreb, les slogans écrits en anglais, français, arabe standard, darija et tifinagh, les discussions sur internet pour ou contre le mouvement, les émissions politiques de télévisions qui se relâchent, il y a de quoi faire pour un linguiste. Que de combinaisons improbables qui auraient semblé inimaginables il y a encore quelques mois : femmes en noir salafistes avec des panneaux écrits en tifinagh, le rappeur Bigg dont la chanson al-khouf « la peur » a été en son temps un symbole de revendication de liberté qui chante aujourd’hui en darija pour défendre la monarchie, pendant que les rockeurs-rappeurs de Hoba Hoba spirit chantent en arabe littéraire pour défendre iradat ach-cha3ab, « la volonté du peuple » et appeler à la démocratie en s’inspirant d’un poème du célèbre poète tunisien Abou El Kacem Chebbi, dont les deux premiers vers ont été intégré à l’hymne national tunisien en Juin 1955 !

De cette cocotte bouillonnante, on retiendra que le plurilinguisme est un phénomène de société de plus en plus ancré, qu’il permet de multiplier les combinaisons et de ce fait décuple les possibilités d’expression dont l’humour. Alors sachons prêter une attention « sérieuse » aux mots des sociétés.
Catherine Miller, 11 avril 2011
Le Prix Youssef Chahine pour le Temps des Des Camarades


Le Temps des Des Camarades de Mohamed Cherif Tribek a remporté le prix Youssef Chahine de la 5ème édition du Festival "Miroirs et Cinémas d’Afriques" organisé du 29 novembre au 03 décembre 2011 à Marseille et la Ciotat.

"Ça fait toujours plaisir de recevoir un prix, c'est une récompense et une reconnaissance; encore plus quand ce prix porte le nom d'un grand cinéaste comme Youssef Chahine," a déclaré Tribek à Maghrebarts. "Youssef Chahine est pour moi: une référence, un modèle et un père spirituel," poursuit-il.

Le premier prix de ce festival, baptisé Prix Ousman Sambene a été attribué au film tunisien Fellaga réalisé par Rafik Omrani.

"La 5ème Corde" de Selma Bargach a obtenu une mention spéciale du jury.

Cette manifestation cinématographique annuelle, tenue à Marseille et la Ciotat, a pour objectif de promouvoir et montrer cette diversité des images et des cultures qui valorise l’histoire, la mémoire et le patrimoine issu des migrations.

Le festival présente des longs et courts métrages de fiction ainsi que des documentaires, des tables rondes thématiques et professionnelles et une exposition d’art plastique. Cette année la littérature a été présente afin de favoriser la rencontre entre réalisateurs et écrivains et renforcer le projet de bourse du scénario.

Maghrebarts
04/12/2011











الصديق عزيز:

نمت في منتصف الليل لكنني وضعت المنبه على الساعة 02:50. استيقظت، و في تمام الساعة الخامسة عدت للنوم (وحدي! فلا هناك سعادة و لارفاهية!!) لأستيقظ على الساعة السابعة صباحا بغرض التوجه للعمل و المدينة مغرقة بقطعان الشباب الذين قدموا من كل ربوع الدنيا للقاء البابا.حدث كل هذا الإرباك الغير المعتاد في هذه الليلة بالذات من أجل مشاهدة فيلم "زمن الرفاق". و قد حصل ذلك.بعد عودتي للنوم حلمت أنني أبكي بقوة و أنا أعانق أصدقاء لي مودعا إياهم و كأنني أغادرهم لمكان بعيد.أنت تعرف، الرفيق سعيد، عفوا الصديق عزيز، أنني أعرف شخصيا جمال بعيسى؛ ليس الذي اغتيل على يد الجماعة الأصولية المعروفة، بل ذلك الذي كان حائرا في أمره هل يغادر عن طريق سبتة أم عن طريق الجزائر أم يبقى في الوطن مختبئ.فحسب ما أعرف عنه أنه غادر فعلا من جهة الشرق بعد اختبائه لأسابيع في مزرعة ببركان. كان آخر عهد له بالبحر هي تلك اللقطة بالذات التي ظهر فيها في شواطئ مارتيل. بعدها تأمل لسنوات مشهدا واحدا تفننت تلال الرمل المتحرقة في تشكله، مستعيدا في مخيلته صور ذلك البحر بالذات. حل الرمل و الرياح محل ذلك الجمال الذي أبهره في مدينة مارتيل و كأنه حل بوطن غير المغرب. وقد علمت منه أنه لو كان يعرف أن مصيره سيكون الإيداع في ذلك المركز اللعين الذي آواه في تلك الجغرافيا اللعينة لمدة سنوات أربعة لكان قد فضل الاختباء في جبال الريف أو الأطلس.
لكنني علمت منه أنها لم ترق له كثيرا تلك الجاكيطة وردية اللون التي ظهر بها في زمن الرفاق. فقد كان يفضل لونا فيه شيء من الرمادية لتعكس مزاجه القاعدي المتكتم أو ربما انسجاما مع الحزن الذي كان مستبدا بكيانه في تلك اللحظة من حياته.أما عن الشابة "رحيل" التي يسمح اسمها بمردفات أخرى كثيرة، فقد علمت من جمال بعيسى أنه عرفها و انه علم بقوة الحب الذي سكن روح الرفيق سعيد نحوها. لقد أحزنه كثيرا أن تنتهي تلك السعادة و ذلك الرفاه. ترى أين هي الآن؟ لا بد أنها احتفظت بولع دفين في قلبها اتجاه سعيد.صدقني أن جمال بعيسى شعر بتعاطف كبير مع رحيل و سعيد، علما أن حزب سعادته و رفاهه قد تعرض للحظر العملي بسبب الجغرافيا، ثم للتفكك و الاندثار بسبب مرور الزمان.

الصديق عزيز لقد أعجبني الفيلم و نقلني إلى زمن أفضل ما فعلنا فيه هو العراك، إنه زمن الرفاق الذي أريده أن يستمر.مع أصدق التحيات .صديقك
20 août, 16:36